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Cinéma & dramas

Song of Bandits (2) : du sang pour les ados

2023-10-25

Séoul au jour le jour


La première saison de la série de Netflix « Song of Bandits » se termine à peine, et déjà la déferlante du flot d'images et de sons de la télévision est passée à autre chose. Après l'originalité de prémisses basés sur la résistance coréenne et chinoise dans la Mandchourie sous contrôle de l'empire nippon dans les années 1920-1930, les épisodes de « Song of Bandits » ont peu évolué, comme s'ils étaient prisonniers de leurs décors en carton-pâte et de la recherche de violence graphique pour adolescents. Que s'est -il passé ? C'est ce que nous allons essayer de voir. 


* La Mandchourie, mais de quoi ?
« Song of Bandits » reprend l'imagerie de la flopée de webtoons décrivant les horreurs commises par l'armée japonaise. On y retrouve donc les massacres de civils et notamment d'enfants dont le plus tristement célèbre est l'extermination à la baïonnette des bébés de la ville de Nankin en Chine. La plaie n'est toujours pas refermée dans la mémoire collective coréenne. Car même si les gouvernements et les grosses compagnies d'affaires se sont entendues pour ne plus en parler, le fond du problème n'a que rarement été abordé. Et les excuses publiques et leurs attendus karmiques n'y changeront rien. L'armée nippone impériale est restée le modèle que ce soit en Chine, en Corée du Nord et du Sud bien après la fin de l'empire du soleil levant. Situer les intrigues en territoire interlope mandchou permet de revenir à ces civils délaissés par les gouvernements et les hommes d'affaires.


* Personnages historiques?
Comme dans les vieux films de Hong Kong, on retrouve l'idée du chevalier au grand coeur venu restaurer l'ordre bafoué de son roi chéri. C'est, en partie, historiquement avéré même si les recherches sur cette époque et cette région sont peu nombreuses, les discours politiques bouchant la vue. La série évoque essentiellement l'Armée de la Justice dirigée, notamment, par Choi Ik-hyun et Shin Dol-seok. Ces armées spontanées de justiciers, souvent formées de paysans et de chasseurs, sont récurrentes dans l'histoire de la Corée. 

Il est pourtant bien connu, au début du XXe siècle, que certains de ces bandits aussi nommés partisans, combattant l'armée nippone, étaient liés, par exemple, à la communauté Shinmin dirigée par Kim Jwa-jin, un aristocrate déchu passé du côté de l'anarchie et de l'autogestion. En Corée du Nord, les grands commandeurs sont tous issus de cette région, et tous ont combattu au sein de gangs adossés aux rebelles maoistes chinois ou à l'armée rouge soviétique. Des Japonais anti-Meiji et des catholiques européens ont aussi fournis armes et supports aux rebelles coréens qui souffraient du manque de moyens. 

A l'inverse de ce que la série peut laisser penser, ces rebellions ont souvent échoué, mais moins par la violence des contre-offensives nippones que par l'intervention musclée des envoyés de Staline, Lénine et Trotsky. Ainsi, la rébellion coréenne a du souffrir les même affres que celle d'autres pays en lutte avec, notamment, les assassinats des proches de Nestor Makhno dans l'Ukraine des années 1920, puis celui de Kim Jwa-jin en Mandchourie et de Buenaventura Durruti dans l'Espagne de 1936. Néanmoins, la question historique est encore brûlante en Corée du Sud où récemment encore des polémiques ont lieu sur certains personnages comme Hong Beom-do. Né en 1868 dans la province de Pyongan, le défunt résistant a notamment gagné la féroce bataille de Bongodong, qui a opposé, en 1920, l’armée qu’il commanda à un bataillon nippon. L’année suivante, il est parti pour la Russie, et ouvert une école militaire avec la coopération du gouvernement de Lénine.


* Histoire et super-héros
La fin du premier épisode de « Song of Bandits » l'annonçait bien. L'orientation était celle de la violence sanglante à la manière des mangas pour adolescents. On y voyait le héros massacrer tel un super-héros une bonne vingtaine de méchants bandits, sauver la veuve et l'orpheline, avant de rejoindre l'Armée de la Justice. Pourtant, ce premier épisode laissait entrevoir quelque chose de sombre, de profond, voire même d'introspection psychologique dans le personnage et les situations. 

Las, dès le deuxième épisode, les scénaristes et réalisateurs dévoilent leurs intentions. On y assiste, par exemple, à une sorte de remake de « Kill Bill », « Assassination » ou de « Lady Vengeance ». Car en effet, c'est la super-woman de service qui s'y colle. Cette esthétique de bande dessinée, si elle exclue toute sexualité graphique, est friande d'éclaboussure de sang et de blessures horriblement pénibles. C'est ce que la télévision américaine, et non seulement Netflix mais aussi HBO, ont amené sur les écrans mondiaux. Réalisme me direz-vous ? Vues les capacités surhumaines de nos héros, il s'agit plutôt d'un fantasme adolescent qui a mal tourné. Car si on a parlé d'histoire et de contextes politico-militaires, tout cela est vite oublié pour laisser place au massacre, à la violence, aux éclaboussures de sang, les mêmes que l'on retrouve dans les jeux vidéos. Bref, s'il y avait un peu de connaissances historique et de réflexion politique dans « Song of Bandits », il en restera la formation d'adolescents introvertis voire psychopathes comme ceux qui tirent à l'aveugle dans les rues et les écoles américaines.

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