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Cinéma & dramas

Mask Girl (1) : Metoo inversé et K-porn

2023-09-20

Séoul au jour le jour


La nouvelle série « made in Korea » de Netflix, « Mask Girl » ne passe pas inaperçue en Corée du Sud tout comme à l’étranger. L'attention des scénaristes sud-coréens portés aux relations inter-personnelles, en font des sociologues en puissance. Et la série se présente comme un catalogue de portraits sociologiques plus ou moins fantasmés mais basés sur des réalités incontestables qui touchent notamment les femmes. Ce faisant, dans sa première partie, elle donne l'envers du mouvement Metoo local et se fait échos de la perversion des réseaux sociaux. 


* Beauté plastique
Le personnage de Mo-mi qui ouvre la série, est une femme aux prises avec les pressions renouvelées de la société sur leur apparence physique. Alors qu'en Europe le mouvement Metoo arrive à mettre un homme en prison pour un baiser volé, les femmes sud-coréennes (mais aussi les Chinoises et les Japonaises) redeviennent des potiches décorées : de la longueur de leurs jambes, de l'ampleur de leur poitrine, de l'étroitesse de leur taille, de la petitesse de leur nez, de la grandeur de leurs yeux et de l'ourlet de leurs lèvres semblent dépendre toute leur destinée sociale. 

Mo-mi se trouve donc moche de visage et la série sur le mode de l'humour (noir) illustre la dimension psychologique du phénomène. La métaphore intelligente choisie par les scénaristes est le masque (noté aussi que Mo-mi sonne comme « corps » en coréen). La jeune femme s'enfile un masque qui ressemble à celui du masque de fer d'un célèbre épisode de l'histoire de France. Mais c'est un masque doré de Barbie ou presque qui va lui servir à frimer dans le K-porn des réseaux sociaux, là où la vie méta ou alternative se déroule. 


* Metoo inversé
Dans les années 1960, 1970 et 1980, les jeunes filles de Corée du Sud se prenaient à rêver de réussite sociale à coups de diplômes universitaires, de lectures assidues de Marx et Nietzsche en passant par Victor Hugo et Pascal. Mais tout cela semble bien fini dans la société post-moderne semblent suggérer la série et notre Mask Girl. La mère de cette dernière, dotée d'un accent du Sud-ouest très marqué (ce qui ajoute au réalisme social du début de la série) est une prolétaire qui survit de ménages en lessives, et sa fille peut juste prétendre à un emploi de secrétaire dans une compagnie financière quelconque. Après tout, même laide (et sa copine est petite et grosse), la société trouve un endroit où occuper tous les prolos. Même si elle joue les pin-up sur Internet à la sortie du bureau, notre héroïne s'entiche d'un prince charmant, qui comme le veut la tradition est beau, intelligent, sensible et patron de la compagnie. C'est là où la version locale du Metoo se manifeste car ce sont les femmes qui harcèlent leur patron mignon. S'agit-il d'une vision réactionnaire qui ironise sur le Metoo ou un miroir de la réalité locale ? N'attendons pas de voir les associations dites féministes du pays se manifester. On ne les déjà pas beaucoup entendu après la demi censure du film « Barbie » cet été. 


* K-porn quand tu nous tiens
Il faut pourtant s'arrêter sur ce qui anime la première partie de la série de sept épisodes, c'est-à-dire l'activité de youtubeuse de l'héroïne. Cette dernière fait son peep-show à la maison en streaming live, devant des fans de plus en plus nombreux qui lui laissent des messages d'amour. C'est un vision très aseptisée du phénomène K-porn et du retour des gogo danseuses, même si de manière plus comique que choquante, on voit le principal admirateur de l'émission se masturber devant son écran. Le côté défouloir social de la bureaucrate coincée et brimée au boulot qui s'éclate en petite tenue en jouant les super-stars n'en est pas moins éloquent. La jeune femme passe d'un dogme social illusoire, celui du travail, à un autre tout aussi illusoire, celui de la gloire. Elle passe du faux au faux, sans jamais penser à revenir à elle même, d'où le masque qui est une façon de se cacher plus qu'une façon de s'embellir. Nous sommes là proche d'un film d'animation devenu culte après son prix à l'Etrange Festival : « Beauty Water ». 

Néanmoins, la série ménage une ouverture qui complexifie drôlement la situation. En effet, Mo-mi a un corps de rêve d'où son succès sur la toile. Mais là encore, elle est aliénée par un troisième dogme social illusoire, celui du prince charmant. Son échec auprès de celui-ci permet à la série d'utiliser l'humour noir à merveille pour révéler la vraie nature illusionniste du bellâtre riche des contes de fées pour petites filles. Nous ne sommes pas loin d'un Chaderlos de Laclos accusant dans son célèbre bouquin « Les Liaisons Dangereuses », l'ignominie de l'éducation féminine. 

L'échec de Mo-mi, à la fois dans ses rêves de midinettes et son travail aliéné, va en faire une porno star d'Internet. La bascule peut paraître gênante : n'y-a-t-il plus d'autres alternatives dans la vie d'une jeune femme au pays du Matin radieux ? La second partie de la série, et ses multiples portraits, semble le confirmer. C'est ce que nous verrons la prochaine fois.

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