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Cinéma & dramas

Black Knight : dystopie coréenne

2023-06-07

Séoul au jour le jour


La mini série « Black Knight », signée Cho Ui-seok et basée sur le webtoon de Lee Yun-kyun, offre une nouvelle dystopie à la manière sud-coréenne, c'est-à dire très sombre, sociale mais pas fataliste. Cette oeuvre dévoilée le mois dernier sur Netflix marque aussi le grand retour de Kim Woo-bin après ses déboires avec l'échec du film « Alienoïd » et son rôle de faire-valoir dans la série « Our Blues ». 



* L'avenir sent le roussi

Comme la plupart des dystopies, cette série met en scène une planète dévastée, invivable, ici, à cause d'une météorite. Nous sommes en 2071. L'air est devenu irrespirable, 99 % de la population a disparu, les survivants sont divisés entre dirigeants qui vivent dans une bulle à oxygène au cœur de la ville, les privilégiés qui se cloîtrent dans un quartier spécial de Gangnam, et les autres, les migrants, qui errent misérablement dans les restes délabrés d'une Séoul calcinée, en miettes, et plongée dans un brouillard nocif et jaunâtre permanent. Les livreurs dans de gros semi-remorques sont essentiels : ils fournissent l'air au quartier des privilégiés. Kim Woo-bin joue l'un d'eux, le numéro 5-8. Livreur d'élite qui défend ses caissons d'air contre les attaques de bandes de migrants, il va prendre sous son aile un jeune candidat livreur issu de classe défavorisée et lui faire découvrir le réseau de résistance combattante dont il est le chef. En effet, la ville est sous le contrôle d'un chaebol qui gère l'air et fait ainsi pression sur la présidente du pays et son armée dont la belle major interprétée par Esom. Le fils du PDG de la compagnie, joué par le sexy Song Seung-heon a décidé d'en finir avec les pauvres inutiles qui consomment son précieux oxygène.



* Dystopie et métaphore

Evidemment, cette situation dystopique est une métaphore de la situation actuelle et à venir. Le prolétariat n'a plus le même intérêt pour les groupes capitalistes, son élimination progressive est programmée. Comme le montre la série, offrir aux pauvres des jeux et des spectacles ne suffit plus pour les calmer. Le conglomérat, son luxe, son arrogance, son passé douteux et sa certitude de fournir magnanimement à peu près tout aux pauvres ressemble à s'y tromper aux vrais chaebol sud-coréens. Les allusions à l'histoire du pays sont nombreuses : comme les dictatures qui prétextaient le danger nord-coréen pour maintenir la population sous contrôle, Cheon-myeong, le chaebol de la série, pollue volontairement l'air. Un peu comme dans l'assassinat du dictateur Park en 1979, le fils fera éliminer le père pour prendre le pouvoir. D'autres références plus sociales sont à noter : le quartier des privilégiés de Gangnam, la survie misérable du prolétariat sud-coréen avec les miettes offertes par les grands groupes, la compétitivité au service des dirigeants, la science et la technologie au service des mêmes leaders. L'apport sud-coréen aux dystopies, avec l'insistance sur la lutte des classes, est de ne pas sombrer dans le fatalisme. 


Le héros ne se renferme pas dans l'individualisme désespéré comme dans de nombreuses séries dystopiques américaines (« The Last of Us », par exemple), mais tente de former de nouvelles affinités électives avec des compagnons de résistance. Ce derniers sont issus de toutes les classes sociales, y compris l'armée comme la charmante top-modèle Esom. De même, la catastrophe écologique n'est montrée comme une fatalité mais comme le résultat néfaste de l'organisation sociale. 



* Netflix toujours plus

L'influence de Netflix se fait sentir : d'abord avec des lieux et des décors tentant d'être spécifiques et impressionnants : le palais du chaebol avec sa porte des enfers sculptées dans le métal ; la bulle artificielle où vivent les dirigeants - belle image de la destruction de la fausse lune lors de l'assaut final ; les cages à poules des privilégiés de Gangnam et les taudis faits de bric à brac des migrants. Le plate-forme intervient aussi par la morale judéo-chrétienne et l'idée que le héros doit sauver la veuve et l'orphelin d'abord ; c'est le cas lors de la course en voiture et le sauvetage d'une candidate par le jeune héros. L'assimilation de la résistance souterraine aux premiers sectateurs chrétiens est aussi évidente. 


On retrouve la stratégie d'un premier épisode qui offre une diversité d'approche pour attirer un large public : film de SF, film de héros, mélo quasi familial, présence de femmes fortes, aspect ludique des jeux vidéos, etc. Ce qui est plus surprenant arrive avec le deuxième épisode plutôt plat et insipide tourné en multi-caméras sans choix de réalisateur. Souvent, chez Netflix, ces deuxièmes épisodes introduisent la vision personnelle du réalisateur et constituent le vrai début de la série. Ici, il faut attendre le troisième pour comprendre que le réalisateur mise sur la performance visuelle dans de longues scènes d'action : la poursuite en voiture avec ses cascades est une réussite qui propose quelques effets cinématographiques recherchés. De même, les scènes de Séoul dévastée ou des privilégiés quittant le centre spécial en cours de destruction offrent du grand spectacle maîtrisé. 


L'intrigue qui s'essouffle vite avec ses bons et ses méchants, à la différence des dystopies sud-coréennes comme « Squid Game » ou « All of us are Dead » qui insistent sur le contexte socio-économique prégnant qui influe sur les personnages à la place de la logorrhée psychologique, est oubliée au profit de scènes d'action privilégiant le faire sur le destin et la résilience. Bien sûr, le final relève du conte de fée politique avec un régime idyllique restauré, mais mettons cela sur le dos de la production Netflix et restons sur la bonne impression des épisodes 3, 4 et 5.

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