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Cinéma & dramas

Jung July et le cinéma de critique sociale

2023-04-05

Séoul au jour le jour

ⓒ YONHAP NewsLa réalisatrice Jung July a entamé une carrière fulgurante avec deux films et deux sélections au Festival international de Cannes en France. Attachée à déployer les armes de la critique sociale, la réalisatrice rejoint le petit groupe de femmes cinéastes au pays du Matin clair. Jung, 43 ans, serait-elle la nouvelle Yim Sun-rye ? C'est ce que nous allons essayer de voir en retraçant sa carrière encore courte mais prometteuse.



* Etudes à Sungkyunkwan et KNUA

Jung July a américanisé son nom qui en coréen donnerait plutôt « Jung Joo-ri ». Elle est née en 1980 dans la province de Jeolla comme son personnage principal dans « Next So-hee », dans le sud-ouest de la Corée du Sud. Sa passion pour les arts visuels a probablement commencé assez tôt, car elle a rejoins le département de cinéma de la célèbre université Sungkyunkwan, la plus ancienne école fondée au centre de Séoul. Après sa licence, elle a continué ses études de master en 2000 à la Korea University of National Arts qui n'avait que quelques années d'existence alors. Bien lui en prit, car elle rencontra l'éminent réalisateur Lee Chang-dong qui y donnait des cours de scénarios. Le maître, qui venait de terminer son chef-d'oeuvre « Secret Sunshine », la prit sous son aile. Dès lors son influence n'a cessé de marquer la jeune cinéaste, jusqu'à ce qu'il produise son premier long métrage : « A Girl at My Door ».



* Les courts-métrages et le premier film

Jung a très vite commencé à tourner des courts-métrages alors qu'elle étudiait à la KNUA. D'abord en 2000 « Eye-Visible or Invisible ». Puis, en 2006, « The Wind Blows to the Hope » et « A Man Under the Influenza » l’année suivante. Ce dernier est invité au Festival International de Busan. Encouragée mais sans les ressources nécessaires pour produire un long-métrage, la cinéaste persiste dans les films courts. Ce sera en 2008 « 11 » qui sera sélectionné au Women's international Film Festival de Chennai ; un petit et sympathique festival du Sud de l'Inde. Il faut noter que Jung est toujours la scénariste de ses films. Pourtant, dès 2008, elle s'initie à l'assistanat de réalisation comme son mentor Lee Chang-dong qui fut longtemps l'assistant de célèbres réalisateurs avant de débuter sa carrière. Après un énième court-métrage, « A Dog Came into my Flash » en 2010, elle est incorporée à la société Pinehouse Film/Nowfilm de Lee Jun-dong, le frère cadet de Lee Chang-dong. Elle va y préparer, avec l'aide des deux frères, ce qui sera son premier long métrage : « A Girl at my Door » en 2014.



* A Girl At My Door

Evidemment, l'influence de Lee Chang-dong se fait sentir dès ce premier film même si on ressent aussi l'influence des webtoons féminins et une attraction pour les rôles de femmes jusqu’au lesbianisme ; thèmes qui n'appartiennent pas à son très masculin mentor. C'est pourtant par son intermédiaire que Jung rencontre l'actrice vedette Bae Doona. Cette dernière est récemment devenue une star internationale avec la série « Sense8 » des cinéastes transgenres Wachowski. Cette histoire de femme flic qui s’intéresse d'un peu trop près à une fillette traumatisée et vivant aux alentours d'un trafic de migrants illégaux n'est pas facile à produire en Corée du Sud. Même la supervision des deux frères Lee n'y suffit pas alors que le pays est secoué par la lutte des mouvements LGTB pour être reconnus. Le film doit s'appuyer sur le Kofic, l’équivalent du CNC français, et Bae Donna accepte de ne pas recevoir de salaire pour son rôle. 

Alors qu'on le croit voué à l'échec dans son pays, le film attire l'attention du festival de Cannes dont Lee Chang-dong est un habitué. « A Girl at My Door » est donc sauvé et a droit à la section Un Certain Regard. Rempli de bonnes intentions, le film reste un mélange indigeste entre ses intrigues trop disparates : le lesbianisme, l'immigration clandestine, les fantasmes d'une jeune fille victime d'abus sexuels. Néanmoins l'effet sélection de Cannes marche à fond et il reçoit des prix au festival de Stockholm en Suède et au Golden Rooster, un festival chinois. Les critiques sont souvent élogieuses, le film distribué dans de nombreux pays et la carrière de la cinéaste est clairement lancée.



* Next Sohee

Pourtant, alors qu'on attendait un autre film sur la bonne lancée du premier, Jung ne rempile pas. Comme beaucoup de femmes cinéastes, y compris la célèbre Yim Sun-rye, il leur est plus difficile que pour les hommes de trouver des financements. Surtout, il apparaît que notre réalisatrice préfère garder sa position de scénariste de ses propres films et donc de refuser les commandes des producteurs-distributeurs. Ce n'est donc qu'en 2023, neuf ans après son premier film, que la cinéaste rempile avec « Next So-hee ». L'histoire est basée sur des faits véridiques. Le suicide d'une stagiaire d'un compagnie d'après-vente de téléphones portables. Jung enquête et découvre que bien d'autres suicidées sont à compter au tableau de chasse de la compétitivité de l'ultra-capitalisme sud-coréen. Elle tient un sujet fort et original. 

A nouveau Lee Chang-dong la soutient même si, cette fois, il n'est pas officiellement producteur. A nouveau Cannes sélectionne le film et ce dernier fait le tour des festivals. Petit succès local, il obtient une diffusion internationale conséquente. Malgré son misérabilisme et son fatalisme nimbé de religiosité, le mouvement ouvrier sud-coréen soutien le film, rare témoignage sur la condition du sous-prolétariat du pays. La carrière de Jung July rebondit donc sans qu'elle n'aie changé son fusil d’épaule. C'est assez rare dans le milieu pour qu'on le souligne et lui souhaite un troisième film rapidement.

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