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Cinéma & dramas

Unlocked : film anti-smartphone

2023-03-15

Séoul au jour le jour


« Unlocked », sorti le mois dernier, est un film anti-smartphone qui résume très bien l'état de dépendance actuelle des jeunes femmes vis-à-vis de cet objet fétiche qui cache un réseau d'information et de contrôle souterrain sans limites. Dans un pays où règnent sans partage les sociétés de production de téléphones portables, ce pamphlet contre la perte de contrôle occasionnée par le transfert d'à peu près tout sur les portables annonce peut-être une prise de conscience salutaire.



* La jeune fille et le smartphone

Qu'on l'appelle smartphone, cellphone, handphone ou portable, le problème est le même : la gente féminine des années 1990 y avait vu un moyen de se libérer du contrôle familial et sociétal. Alors que tout ce qu'elles savaient passait par les filtres des parents, du mari, du grand frère ou des professeurs voire des prêtres, elles avaient soudain un accès direct au monde. Las, c'était trop beau pour durer. 

La première séquence du film signé Kim Tae-joon le montre bien : ce ne sont pas les smartphones qui sont au service des jeunes femmes mais les jeunes femmes qui sont au service des smartphones. Ces derniers leur disent quoi acheter, quoi manger, comment se vêtir, qui contacter, qui rencontrer, où aller et même quand se réveiller et dormir. Le clou étant que tout est fait pour donner l'impression inverse. Pour briser cette illusion, il faut au personnage interprété par Chun Woo-hee laisser tomber son téléphone dans un bus après une beuverie nocturne avec ses copines. Un hacker mal intentionné va alors prendre contrôle de la vie quotidienne de notre héroïne.



* Le portrait d'une jeune sud-Coréenne actuelle

Derrière le problème de l'aliénation au smartphone, le film sur Netflix trace le portrait d'une jeune sud-Coréenne actuelle. Chun Woo-hee, qui a en réalité 35 ans, parvient à se mouler dans les stéréotypes « lycéanesques » d'une jeune fille d'une vingtaine d'années. Elle bosse dans le café de son père. Celui-ci est veuf et vit dans une maison luxueuse de banlieue. Notre héroïne vit dans une grande chambre perchée sur une terrasse d'un petit immeuble - nommé villa en Corée - à Sinchon, au coeur de Séoul. Elle a un deuxième emploi dans une petite compagnie qui produit des gelées de konjac. Le double emploi est un premier trait important dans une société où les salaires et les pensions restent très bas. Elle n'a pas de copain, juste des copines ; ce qui aussi correspond à la solitude qui devient le quotidien des jeunes. Elle ne parle pas d'avenir, ni de passé. Son rapport à son paternel est amical, sans pathos, et décontracté. Son smartphone limite ses activités à ce que les médias diffusent massivement ; sa culture en est des plus limitée. Son seul plaisir solitaire est de se saouler. Et c'est une des meilleures scènes du film lorsque sa copine la retrouve endormie sous le séchoir à piments installé sur la terrasse de son immeuble, après une nuit de biture. Bref, le hacker n'a aucun mal à retracer sur une demi-page la vie quotidienne de la jeune femme qu'il suit à partir de son smartphone à travers lequel il voit tout, entend tout et lit tout ce qu'elle fait.   



*Les lieux d'abord

Disons-le sans ambages, le scénario s'embrouille avec le second emploi de la jeune femme qui n'était pas nécessaire, avec les doubles relations paternelles - celle de Chun mais aussi celle du hacker interprété sobrement par Im Si-wan. A noter qu'il est tout à fait intéressant de voir un bellâtre star de la k-pop jouer les psychopathes. C'est toucher au coeur du phénomène qui fascine les jeunes filles actuelles. Leurs gueules enfarinées trahiraient un goût caché pour la folie meurtrière. Et en effet, le père du hacker flic est en trop, il aurait fallu développer plus rapidement le portrait du sale gosse psychopathe. 

Bref, la valeur du film tient à ses lieux issus du quotidien interlopes séoulite. Que ce soit le café du père de la héroïne, la chambre - néanmoins bien trop grande pour être réelle - de la jeune femme ou l'appartement du hacker dans un immeuble du genre cage à poules : tous respirent Séoul comme peu de films savent le faire. Ce niveau de réalisme à travers le choix des lieux est à souligner. Il correspond au niveau international qui est demandé pour les films sud-coréens diffusés par Netflix. 

La terrasse où habite Chun est un lieu bien connu des Coréens du Sud. Lieu de séchage du linge dans ces petits immeubles mais aussi de séchage des piments rouges, la terrasse, dévastée par la neige et le froid en hiver, par le feu de la canicule en été, est un haut lieu de beuverie nocturne entre amis ou parents. L'appartement où se terre le hacker avec ses fenêtres au premier étage accessibles par les montées alentours est aussi d'un réalisme criant. Le bureau de réparation des smartphones d'où officie le hacker, perché dans un immeuble de bureau presque insalubre donnerait une note finale à ce réalisme s'il n'y avait la maison de luxe du propriétaire du café. De style new-age à la coréenne, elle se distingue de l'ensemble sans pour autant être irréaliste. Le cafetier mentionne d'ailleurs qu'il veut la vendre pour s'acheter un petit appartement séoulite. Cela donne une idée des prix et ajoute au réalisme de détail qui aurait pu aider le film à ce sortir de son imbroglio scénaristique. 

Il s'agit du deuxième film de Kim Tae-joon qui hésite encore entre le cinéma d'horreur - et « Unlocked » aurait pu tourner positivement au film d'horreur - et le cinéma de critique sociale. Pour son prochain film, peut-être. 

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