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Cinéma & dramas

« Jung_E », pamphlet anti-robot

2023-02-22

Séoul au jour le jour


Le réalisateur Yeon Sang-ho est un forcené du travail : après l'exceptionnelle série « Hellbound », il revient déjà avec « Jung_E », un film de SF qui aurait voulu être un nouveau « Blade Runner », une véritable nouvelle version qui ferait oublier la navrante version de Denis Villeuneuve. Avec « Jung_E », Yeon Sang-ho nous permet une dernière fois de voir l'actrice Kang Soo-yeon à l’œuvre avant son décès prématuré en mai 2022. Voyons cela de plus près.



* Prisonnier des mondes artificiels

Finalement, « Jung_E » aurait pu être un huis clos autour du personnage de la super-héroïne interprétée par Kim Hyun-joo et de celle de la scientifique jouée par Kang Soo-yeon. La première ayant acceptée d'être clonée par les militaires en échange de l'argent nécessaire à l'opération de sa fille cancéreuse ; la seconde devenue à nouveau cancéreuse malgré l'opération est torturée par l'idée de voir sa mère clonée à l'envie. A ce propos, la scène où l'un des techniciens traite un clone de la mère de Kang Soo-yeon en poupée sexuelle restera dans les annales de la SF. Mais cinéaste prodige Yeon Sang-ho a vu grand en essayant de donner un cadre à cette réflexion sans nul doute philosophique. Le monde du futur est catastrophique : zones industrielles sans fin, désert de pollution, des humains zombifiés, etc. C'est très bien vu, mais malheureusement, le film se change en film d'animation lors de ces quelques panoramas en extérieur, et donc ne concrétise pas vraiment ce contexte qui fait pourtant sens dans le débat qui est à la racine du film.



* Débat philosophique anti-AI

En pleine promotion des technologies de l'intelligence artificielle et du métaverse, qu'on appelait, plus clairement, il n'y a pas longtemps, des robots et des jeux vidéos, le film « Jung_E » voudrait développer une réflexion à contre-courant. L’empereur de Chine Qin Shi Huang et son rêve de vie éternelle continue de hanter les humains. Ils tentent de cloner des cerveaux, comme si la vie d'un être s'y trouvait tout entière. Certains resteront privés, les cerveaux des riches, et ceux des pauvres serviront à nourrir les ordinateurs de l'intelligence artificielle. Comme dans le film sorti au même moment « MƎGAN » sur une poupée robot transformée en super-tueuse totalement consciente de sa mission ou de son rôle, les humains nourrissent des machines qui leur échappent.


Dans « Jung_E », ce sont les militaires qui se servent des guerres pour gonfler les budgets des recherches de clonage de cerveaux ; des recherches qui ne servent que leur propre intérêt. Comme dans le série « Squid Game », à la tête de ce désastre philosophique et humain se trouve un vieux machiavélique. On assiste au meilleur discours du film quand Kang Soo-yeon, qui interprète une scientifique de pointe, se confronte au vieux dirigeant et se voit expliquer les rouages des stratégies militaro-industrielles, notamment la façon dont les budgets sont accaparés sous prétexte de guerre. Ici, il s'agit d'une guerre expliquée vaguement au début du film mais vite oubliée. Cette scène permet aussi de découvrir que la plupart des personnages sont des clones à leur insu ; la déshumanisation a atteint un point inégalé et les robots ont créé leur propre univers comme un simulacre de celui que leur ont laissé les humains. C'est le moment où le directeur du centre incarné par l'acteur Ryu Kyung-soo, qui s'avère être le clone du vieux maniaque, peut donner le meilleur de lui-même.



*Un problème de style

On le voit, sur le papier, le scénario est bien au niveau d'un « Blade Runner » de Phillip K. Dick. Mais les choses tournent mal dès que le film se met à recopier les combats des jeux vidéos. Certes, c'est justifié par l'idée qu'il s'agit de simulation pour des robots de combat, mais il était inutile de refaire poussivement ce qui était déjà vu depuis au moins le japanimation « Avalon » et le film « Matrix ». On ne le dira jamais assez : les combats de jeux vidéos ont un intérêt pour les joueurs ; pour les spectateurs, il faut créer une tension, un suspense, une incertitude que la programmation du jeu amoindrie beaucoup trop.


Un autre problème stylistique du film vient de l'écart entre un contenu idéologique et philosophique des plus intéressants avec des situations basiques. Yeon Sang-ho est un artiste visuel, le résultat est donc plutôt lié à un malentendu entre la production Netflix et le projet du film. Netflix a peut-être retoqué le projet qui lui a paru trop coûteux ou, plus probablement, trop compliqué pour le public d'adolescents qui était visé. On ne va pas tout mettre sur le dos de la production, le scénario a aussi quelques difficultés à créer des personnages.


Le seul qui s'en sort est Ryu Kyung-soo en manager tout autant zélé qu’incompétent ; un rôle parfait pour critiquer la bureaucratisation de la société et des esprits. C'est le point essentiel qui ressort du film. On note aussi une éphémère Uhm Ji-won dans un personnage de bureaucrate aussi mignonne que déglinguée mais qui disparaît trop vite. Enfin, Kang Soo-yeon, est bien triste dans son rôle trop théorique.


Bref, Yeon Sang-ho devait probablement déjà penser à autre chose, notamment à la saison 2 de son excellente série « Hellbound » que beaucoup attendent avec impatience.

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