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La solitude
La nuit arrive de plus en plus tôt et s’éloigne de plus en plus tard. Cela est terrible pour une certaine Hwang Jini, une demi-mondaine du royaume Joseon, une « kisaeng » qui avait l’habitude de vivre la nuit comme le jour, mais qui, hélas n’est plus que rarement invitée à tenir compagnie à de hautes personnalités. Sa beauté légendaire est ternie par l’âge. Et sa danse qui captivait sa clientèle est moins séduisante. La pauvre courtisane en est consciente. Du coup, un autre charme disparaît : sa fierté, voire son air hautain, qui frustrait tant de soupirants.

Hwang Jini est connue de la postérité, non seulement pour ses conquêtes masculines, mais aussi et surtout pour son talent en matière de poésie que les mondains cultivés admiraient autant que sa grande beauté. Un de ses poèmes qui nous est parvenu, « Onzième mois lunaire », aurait probablement été inspiré de sa solitude quand elle n’était plus si jeune et que, la nuit tombée, elle entendait la rumeur d’une fête mondaine s’élever quelque part :

Une longue nuit d’hiver, j’en découpe une partie au milieu
Je l’enroule et la mets dans mon lit parfumé de printemps
Je la déroulerai pour accueillir mon amour

Quant à Heo Nanseolheon, une autre femme de Joseon douée pour la poésie, la présence d’un seul homme lui aurait suffi pour ne pas souffrir de solitude. Son mari l’a délaissée dès le début de leur union conjugale. Par un mariage arrangé, il a épousé une femme réputée pour son talent littéraire. C’est peut-être à cause de la jalousie ou du complexe d’infériorité devant sa femme qu’il prenait ses distances avec elle. Une anecdote en dit long à ce sujet.

Un ami de son mari avertit Heo Nanseolheon : « Votre cher époux vous a dit qu’il allait rejoindre un cercle de savants. En réalité, il se trouve dans une maison de kisaeng. Je viens de le quitter. » Réaction de la femme trompée : elle envoie à cette maison de kisaeng quelques mets fins préparés par elle-même avec une missive adressée à son mari : « C’est moins déshonorant de vous entourer de courtisanes que d’amis qui vous dénoncent. » On imagine la honte de l’homme. Du coup, il s’éloigna sans doute encore davantage de sa femme. Celle-ci écrit :

Le bruit d’eau de la clepsydre
Ne cesse de rendre la nuit profonde
La lueur de la lune éclaire mon lit
Sans le réchauffer

On plaint ceux qui, dans la solitude, regrettent leur jeunesse, « le temps de l’herbe splendide et des fleurs glorieuses ». On prend aussi en pitié ceux qui aiment sans être aimés. Que la musique leur tienne compagnie pour alléger leur peine !

Hwang Byeong-ki, un virtuose du gayageum et compositeur, a créé dans sa vieillesse une admirable sonate pour geomungo. Le titre, « Soyeopsanbang », nous fait imaginer un vieillard ramassant des feuilles mortes dans la cour de sa demeure solitaire. A quoi penserait-il ? En guise de réponse, citons un passage d’un classique de la littérature coréenne signé Yi Hyo-seok :

« Je creuse un trou profond dans un coin de mon jardin. J’y ensevelis les cendres des feuilles mortes que j’ai ramassées et brûlées comme pour enterrer mes rêves. Cela me donne la force de vivre le quotidien... »

Ce texte aussi bien que la mélodie qui le rappelle peut réconforter ceux qui regrettent l’impossible et qui en souffrent.

Liste des mélodies de la semaine
1. « Onzième mois lunaire » interprété par Souljugi.
2. « L’Hiver » onterprété par Jang Seo-yun.
3. « Soyeopsanbang » avec Jeong Daeèseok au geomungo.

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